Responsabilité de l’Etat en crise sanitaire exceptionnelle



L’Etat ainsi que les membres du Gouvernement peuvent voir leur responsabilité engagée à l’occasion de crises sanitaires exceptionnelle, bien que celle-ci est délicate à caractériser et nécessite une lecture rétrospective des actions par les Tribunaux.

La responsabilité de l’Etat et des personnes publiques désigne l’obligation qui incombe à l’administration de réparer les dommages occasionnés par son action ou son inaction.

Responsabilité de l’Etat

A l’occasion de chaque crise sanitaire exceptionnelle, la mise en cause de l’action publique et du degré de préparation de l’État et de ses services, mais aussi de ses gouvernants, soulève de multiples difficultés juridiques, d’autant plus prégnants lors de drames humains.

Juridiction compétente

La justice administrative est placée au cœur de la relation entre les citoyens et les pouvoirs publics. Les principes constitutionnels français consacrent l’existence, les compétences et l’indépendance de la justice administrative et en ce sens, en application de ces principes, seul le juge administratif peut annuler ou réformer les décisions, qu’elles soient individuelles ou de portée générale, prises par les autorités exerçant le pouvoir exécutif dans l’exercice de pouvoirs relevant de la puissance publique

Responsabilité pour faute simple

Dans l’absence des textes, il revient à la jurisprudence de qualifier la responsabilité de l’Etat.

Les décisions du Conseil d’Etat à l’occasion de précédentes catastrophe sanitaire (Arrêt du 9 avril 1993, Arrêt du 3 mars 2004 et Arrêt du 9 novembre 2016) ayant reconnues une carence fautive de l’Etat, montrent qu’une faute qualifiée, c’est-à-dire une faute d’une particulière gravité, n’est pas exigée.

Les juges du droit précisent que seule une faute simple est exigée avec une prise en compte des contraintes qui pèsent sur l’Etat c’est à dire qu’il n’est pas exigé qu’il soit omniscient ou qu’il prenne des précautions démesurées.

La responsabilité de l’État n’est pas pour autant facilement engagée et un difficile équilibre est à trouver dans la mesure où l’excès de précaution est aussi susceptible d’être reproché à l’État.

La Haute Juridiction administrative précise que pour retenir la responsabilité de l’Etat, les juges prennent en compte de l’urgence dans laquelle l’État se trouve contraint d’agir, de l’ampleur de la crise sanitaire et des incertitudes qui entourent les diverses prévisions concernant l’évolution :

  • Difficultés d’analyse du risque
  • Dispositifs mis en place pour mieux l’appréhender
  • Mesures adoptées et calendrier de déploiement

De jurisprudence administrative constante, toute carence de l’Etat est fautive c’est à dire une inaction totale ou partielle.

Enfin, la période au cours de laquelle la faute sera considérée comme caractérisée témoignera de la prise en compte des circonstances factuelles dans lesquelles l’action de l’État s’est inscrite.

Autrement dit, le juge administratif ne pourrait reconnaître une carence avant même le début d’une crise sanitaire avérée sous peine de s’immiscer excessivement dans des décisions politiques, mais pourrait retenir que le manque de réaction ou que la réaction tardive des pouvoirs publics soit considérée comme une carence fautive.

Exonération pour force majeure

L’Etat pourrait se voir exonérer de sa responsabilité en invoquant un cas de force majeure, autrement dit, caractériser une crise sanitaire comme un événement extérieur, imprévisible et irrésistible pour l’État français.

Pour autant, la force majeure invoquée par l’Etat sera difficilement retenue dès lors que ce dernier dispose de plusieurs outils et Conseils scientifiques pour anticiper ou gérer les crises sanitaire notamment par l’Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences sanitaires institué par la loi n°2007-294 du 5 mars 2007 et le Haut Conseil Scientifique.

Responsabilité des membres du Gouvernement

En sus de la responsabilité administrative pour faute simple de l’Etat, les membres du Gouvernement peuvent voir leur responsabilité pénale engagée dans l’exercice de leur fonction notamment sur le fondement du délit d’abstention de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre

Juridiction compétente

Depuis la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 suite à l’affaire du sang contaminé, les membres du gouvernement (Premier ministre, ministres, secrétaires d’État) sont soumis à une juridiction spéciale, la Cour de justice de la République dont l’organisation a été décrite par la loi organique du 23 novembre 1993

Cette Cour répressive spécialisée, au même titre que les Tribunaux maritimes commerciaux, est compétente pour connaître des actes délictueux ou criminels commis dans l’exercice de leur fonction.  Les infractions n’ayant aucun lien avec la conduite de la politique de la nation sont du ressort des juridictions pénales de droit commun.

Cette Juridiction peut être saisie soit la par le justiciable qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions, soit par le Procureur général près la Cour de cassation en application de l‘article 68-2 de la Constitution

L’opportunité des poursuites et actions devant ce Tribunal ressort de la compétence d’une commission des requêtes.

Délit d’abstention de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre

Il s’agit d’une infraction de commission dite par omission c’est à dire comme étant un acte positif, mais pour des raisons sociales et morales, le droit admet que l’auteur peut être punissable même s’il a provoqué le résultat par sa passivité et son inaction.

Quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (Article 223-7 du code pénal)

Cette infraction de commission par omission utilise un critère de causalité hypothétique. Autrement dit, au lieu de se demander si le résultat disparaît par la suppression du comportement, le juge doit démontrer que le résultat préjudiciable se serait produit même si l’auteur avait exécuté l’acte attendu.

Ce délit est une peine complémentaire du délit de non-assistance à personne en danger et permet ainsi de punir un défaut d’intervention au moment de survenance d’un sinistre alors même qu’aucune personne n’y est directement exposée.

A l’instar de toute infraction pénale, celle-ci suppose pour être caractérisée de démontrer un élément intentionnel. Ce délit punissant une abstention volontaire, le juge doit démontrer que le Gouvernement savait qu’un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes était en cours

Délit de délaissement

L’article 223-3 du Code pénal incrimine le fait de délaisser, en un lieu quelconque, une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique.

L’infraction de délaissement de personne hors d’état de se protéger en raison de son état physique ou psychique ne peut constituer une omission immorale mais nécessite un acte positif dans la réalisation du délit, excluant toute attitude simplement négative ou passive.

Ce délit suppose la volonté d’abandonner définitivement la victime et dépasse donc la simple négligence, le défaut de surveillance ou encore l’absence d’intérêt.

En sens, ce délit ne pourrait qu’être difficilement constitué contre un membre du Gouvernement en tant qu’il suppose une action volontaire d’abandon de personnes vulnérables.

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