Piraterie et terrorisme maritime : protection armée des navires

Hors temps de conflits armés, les actes de violence dans le domaine maritime sont essentiellement de deux sortes. La piraterie, pratiquée à des fins privées, et le terrorisme qui poursuit des objectifs politiques. Face à ces risques, les équipes de protection privée à bord des navires sont constituées d’agents armés au profit d’armateurs qui ont pour finalité de garantir la sécurité physique des équipages et des passagers ainsi que la protection du patrimoine des opérateurs maritimes

La loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue a autorisé les navires battant pavillon français, à la demande et pour le compte de l’armateur, de bénéficier d’une protection privée destinée à les protéger contre des menaces d’actes définis aux articles 224-6 à 224-8 du code pénal ou d’actes de terrorisme comme ce fut le cas par exemple lors de la prise d’otage survenue contre le navire de croisière le Ponant dans le Golfe d’Aden ou encore contre les voiliers Carré d’as IV et Tanit dans la même zone.

Spécificité des menaces et violences maritime

La piraterie et le terrorisme maritime sont à la charnière des activités criminelles et des actes de guerre. Tous deux visent des cibles du domaine maritime et font appel à des modes d’action similaires demandant de bonnes compétences nautiques.

A la différence des conflits terrestres, aucune ligne de front ne se dessine sur l’espace maritimes qui, par principe, est espace de liberté n’appartenant à personne, et qui ne devient encadré qu’à l’approche des littoraux sous souveraineté étatique.

Au-delà, rien ne distingue les navires susceptibles de se livrer à des activités criminelles tant qu’ils conservent un comportement innocent.

Selon le Bureau maritime international, plus de 4 000 actes de piraterie ont été recensés au cours des vingt dernières années sur tout type de navires (commerce, plaisance, paquebots de croisière…)

Durant la dernière décennie, 3 200 marins auraient été capturés par des pirates, 500 auraient été blessés et 160 tués principalement dans le Golfe d’Aden, le Golfe de Guinée et le détroit de Malacca

Ces actes illicites se catégorisent en deux notions distinctes même si leurs modes d’action maritimes ont en commun la nécessité d’approcher jusqu’à venir au contact de la coque soit pour embarquer, soit pour optimiser l’effet de l’explosion d’une charge avec des capacités d’appréhender les éléments maritimes par une compétence dans la navigation :

  • La piraterie qui vise à la satisfaction financière d’un besoin privé
  • Le terrorisme qui poursuit des objectifs politiques, religieux ou idélologiques

Modalités d’exercice de protection des navires

Le décret n° 2017-944 du 10 mai 2017 relatif à l’activité privée de protection des navires a précisé les modalités d’exercice de l’activité privée de protection des navires et notamment les conditions d’armement des agents de protection des navires, ainsi que de stockage des armes et des munitions.

L’activité qui consiste à la demande et pour le compte d’un armateur de protéger contre des menaces ou actes de terrorisme ne peut s’exercer qu’à bord du navire qu’elle a pour but de protéger et avec pour seule finalité de garantir la sécurité des personnes embarquées sur le navire, équipage et passagers ainsi que la protection des biens transportés.

Les personnes morales exerçant cette activité sont dénommées entreprises privées de protection des navires. Les personnes physiques exerçant cette activité, employées par ces entreprises, sont dénommées agents. 

Champ d’action territorial

L’activité de protection doit être exercée au-delà de la mer territoriale des Etats, dans des zones fixées par arrêté du Premier ministre lorsque les violences ou les menaces visent le détournement de navires

Un comité réunissant notamment des représentants des armateurs, du ministre de la défense, du ministre chargé des transports et du ministre des affaires étrangères peut, de sa propre initiative, recommander au Premier ministre de redéfinir ces zones au regard de l’évolution des menaces identifiées.

Lorsqu’il existe un risque exceptionnel d’atteinte à la vie des personnes embarquées sur le navire, la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a autorisé que l’activité de protection des navires puisse être exercée dans les eaux intérieures et territoriales française, après autorisation du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer.

Dispositif de protection embarqué

Les entreprises privées de protection des navires peuvent être autorisées à acquérir, détenir, transporter et mettre à disposition de leurs agents des armes et munitions.

Le nombre d’agents exerçant l’activité et embarqués à bord d’un navire protégé est déterminé à l’issue d’une analyse de risque, par l’armateur et l’entreprise privée de protection des navires, en prenant en compte les moyens de défense passive équipant ledit navire.

Le nombre d’agents de sécurité à bord du navire ne peut être inférieur à trois.

A noter qu’en application de l’article R 5511-4 du code des transports, si ces agents ne sont pas considérés comme marins professionnels, ils doivent néanmoins être aptes à la navigation maritime.

Les agents qui assurent cette activité à bord des navires sont armés et dotés d’équipements de protection balistique conformément à l’article R 5442-1 du code des transports. Ils sont autorisés, dans le cadre de leur mission, à employer la force pour assurer le protection des personnes et des biens.

Le capitaine du navire est l’autorité hiérarchique des agents de protection embarqués et en ce sens, il doit procéder à la vérification de leur identité et de la conformité des numéros de série des armes embarquées.

Il doit informer les autorités de l’Etat de l’embarquement et du débarquement des agents ainsi que le stockages et déstockages des armes et munitions et, le cas échéant, les circonstances et les conséquences de leur utilisation.

Autorisation

L’autorisation de recourir à une équipe privée de protection est sollicitée par l’armateur auprès du préfet maritime ou, en outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer dans le ressort duquel se trouve le port de départ du navire concerné ou, lorsque le départ s’effectue d’un Etat étranger, du préfet maritime ou, en outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer dans le ressort duquel se trouve le port d’arrivée de ce navire. 

En toute circonstance, le dossier de demande d’autorisation par l’armateur comprend :

  • L’itinéraire planifié du navire concerné et le temps de trajet estimé
  • Une note justifiant la nécessité de recourir à une équipe privée de protection au regard du risque défini
  • Pour chaque agent de protection la copie d’un titre d’identité, le numéro de carte professionnelle ainsi qu’un justificatif d’entraînement au maniement des armes.

Lorsque le trajet est régulier, l’autorisation est délivrée pour une durée maximale d’un an renouvelable.

Dispositif de tir au but

Le décret n° 2020-342 du 26 mars 2020 relatif aux modalités de recours à la coercition et de l’emploi de la force en mer a par ailleurs institué la possibilité, pour le Premier ministre, de déléguer au représentant de l’Etat en mer l’autorisation d’ouverture du tir au but à l’encontre d’un navire, dans le cadre d’une opération de contrôle et pour la durée de cette opération, pour la répression de certaines infractions, dans les seuls cas où l’interception du navire en cause exige que cette autorisation soit donnée sans délai. 

En ce sens, dans le cas où le capitaine du navire n’obtempère pas aux sommations ni, le cas échéant, aux tirs d’avertissement, le représentant de l’Etat en mer peut ordonner une action de vive force ayant pour but de contraindre le navire de stopper ou de se dérouter, ou d’en prendre le contrôle. Il en rend compte immédiatement au Premier ministre ainsi qu’aux ministres concernés en application de l‘article R 1521-4 du code de la défense

Dans le cas où les tirs d’avertissement et, le cas échéant, l’action de vive force sont restés sans effet, le représentant de l’Etat en mer peut demander au Premier ministre d’autoriser l’ouverture du tir au but à l’encontre du navire. Cette autorisation est donnée après qu’a été recueilli, dans toute la mesure possible, l’avis du ministre des affaires étrangères. 

Le tir au but est précédé de nouvelles sommations. et mention en est portée au journal de bord. En aucun cas, il n’est dirigé contre des personnes. et l’usage de projectiles explosifs est prohibé. 

Enfin, le refus d’obtempérer aux injonctions des autorités est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

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