Relèves des équipages : approche coordonnée de la restriction de la libre circulation des marins professionnels

Face à une recrudescence de marins testés positifs au coronavirus, une vigilance toute particulière est à observer notamment lors des relèves d’équipages et portant sur les marins issus de l’Union européenne et hors Union Européenne. En ce sens, l’Organisation Maritime Internationale, l’Union Européenne et enfin le Gouvernement français ont émis des recommandations relatives à une approche coordonnée de la restriction de la libre circulation des marins professionnels et des relèves des équipages.

En vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui confère à tout ressortissant le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, le Conseil a adopté des conclusions sur la crise sanitaire dans lesquelles il engageait les États membres à agir ensemble de manière proportionnée et appropriée, afin de développer une coordination étroite et renforcée pour garantir l’efficacité de l’ensemble des mesures, y compris, le cas échéant, des mesures concernant les déplacements tout en préservant la libre circulation au sein de l’Union, pour garantir une protection optimale de la santé publique.

Afin de limiter la propagation du virus, les États membres ont adopté diverses mesures, dont certaines ont eu une incidence sur le droit des marins professionnels de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, telles que des restrictions à l’entrée des Etats ou des exigences de mise en quarantaine

Principes généraux

Lorsque les Etats membres adoptent et appliquent des mesures pour protéger la santé publique en réaction à la pandémie, il convient qu’ils coordonnent leurs actions en se fondant, dans la mesure du possible, sur les principes suivants :

Toute restriction à la libre circulation des personnes au sein de l’Union mise en place pour limiter la propagation de la pandémie devrait être fondée sur des motifs d’intérêt public spécifiques et limités, à savoir la protection de la santé publique. Il est nécessaire que de telles limitations soient appliquées dans le respect des principes généraux du droit de l’Union, en particulier ceux de proportionnalité et de non-discrimination. Aucune mesure prise ne devrait donc aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour préserver la santé publique et toute restriction de cette nature devrait être levée dès que la situation épidémiologique le permet.

  • Il ne saurait y avoir de discrimination entre les États membres, par exemple par l’application de règles plus généreuses aux voyages à destination et en provenance d’un État membre voisin par rapport aux voyages à destination et en provenance d’autres États membres se trouvant dans la même situation épidémiologique
  • Les restrictions ne peuvent être fondées sur la nationalité de la personne concernée, mais devraient se baser sur le(s) lieu(x) où la personne se trouvait au cours des 14 jours précédant son arrivée
  • Les États membres devraient toujours admettre leurs propres ressortissants et les citoyens de l’Union et les membres de leur famille résidant sur leur territoire et devraient faciliter un transit rapide par leur territoire
  • Les États membres devraient accorder une attention particulière aux spécificités des régions ultrapériphériques et des zones géographiquement isolées et à la nécessité de coopérer aux niveaux local et régional.

Critères communs

Les États membres devraient tenir compte des critères essentiels suivants lorsqu’ils envisagent de restreindre la libre circulation en réaction à la pandémie :

  • Le taux cumulé de notification de cas sur 14 jours, c’est-à-dire le nombre total de cas de COVID-19 nouvellement notifiés pour 100 000 habitants au cours des 14 derniers jours au niveau régional
  • Le taux de positivité des tests, c’est-à-dire le pourcentage de tests positifs parmi l’ensemble des tests de dépistage de l’infection effectués au cours de la semaine écoulée
  • Le taux de dépistage, c’est-à-dire le nombre de tests de dépistage de l’infection pour 100 000 habitants effectués au cours de la semaine écoulée.

Cartographie des zones à risque

Sur la base des données fournies par les États membres, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies devrait publier une carte des États membres de l’UE, ventilée par région et par période de 14 jours , afin d’aider les États membres à prendre leurs décisions au regard des critères suivants :

  • Couleur verte si le taux cumulé de notification de cas est inférieur à 25 tandis que le taux de positivité des tests de dépistage de l’infection est inférieur à 4 % : aucune restriction de liberté de circulation
  • Couleur orange si le taux cumulé de notification de cas est inférieur à 50 tandis que le taux de positivité des tests de dépistage de l’infection est supérieur ou égal à 4 % ou si le taux cumulé de notification de cas est compris entre 25 et 150 tandis que le taux de positivité des tests de dépistage de l’infection est inférieur à 4 % : restriction proportionnée au regard de la taille de la population, du taux d’hospitalisation, du taux d’admission aux soins intensifs ou encore du taux de mortalité
  • Couleur rouge si le taux cumulé de notification de cas est supérieur ou égal à 50 tandis que le taux de positivité des tests de dépistage de l’infection est supérieur ou égal à 4 % ou si le taux cumulé de notification de cas est supérieur à 150 pour 100 000 habitants : restriction proportionnée au regard de la taille de la population, du taux d’hospitalisation, du taux d’admission aux soins intensifs ou encore du taux de mortalité
  • Couleur grise si les informations disponibles ne sont pas suffisantes pour évaluer les critères ou si le taux de dépistage est inférieur ou égal à 300 tests de dépistage de l’infection pour 100 000 habitants.

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies devrait également publier des cartes distinctes pour chaque indicateur clé contribuant à la carte complète: le taux de notification sur 14 jours au niveau régional, ainsi que le taux de dépistage et le taux de positivité des tests au niveau national au cours de la semaine écoulée

Par ailleurs, les États membres devraient reconnaître mutuellement les résultats des tests de dépistage de l’infection effectués dans d’autres États membres par des organismes de santé certifiés. Les États membres devraient renforcer leur coopération sur différents aspects liés au dépistage, notamment la vérification des certificats de dépistage, en tenant compte des recherches et des conseils des experts en épidémiologie ainsi que des bonnes pratiques.

Recommandations sanitaires pour les relèves d’équipage

Par la nature même de la mobilité internationale maritime, les gens de mer sont des victimes collatérales de la crise sanitaire. En raison des restrictions imposées aux déplacements, des dizaines de milliers d’entre eux sont bloqués à bord de navires ou sont incapables de se rendre dans les ports pour rejoindre leur lieu de travail. Les difficultés liées au rapatriement des gens de mer et aux changements d’équipage ont un impact majeur sur le secteur maritime et représentent un enjeu prioritaire.

Afin de limiter la propagation du coronavirus, la plupart des Etats ont imposé des restrictions aux déplacements, particulièrement à ceux de ressortissants étrangers. Ces mesures ont un impact direct sur la capacité des gens de mer à voyager entre les navires, qui constituent leur lieu de travail, et leur pays de résidence.

L’organisation de la relève des équipages, essentielle pour prévenir la fatigue et protéger la santé, la sécurité et le bien-être des gens de mer, doit s’adapter aux contraintes imposées par la lutte contre le coronavirus : confinement, difficultés d’acheminement des relèves, règlements imposés par les autorités sanitaires des États.

Selon l’Organisation Maritime Internationale, fin septembre 2020, près de 400 000 marins demeuraient bloqués à bord de navires, incapables de rentrer chez eux après la fin de leurs contrats. Un nombre équivalent de marins devaient urgemment rejoindre les navires pour assurer les relèves d’équipages.

Des milliers de marins coincés à bord de navires ont exprimé leur épuisement, leur fatigue, leur anxiété et leur stress psychologique

À la suite du Sommet maritime international virtuel sur la relève des équipages, le Secrétaire général de l’OMI a pressé davantage d’États Membres à s’engager à agir en faveur du rapatriement des gens de mer et des relèves d’équipages au sein d’une circulaire du 5 octobre 2020

L’objectif est de ne pas introduire le virus à bord en embarquant des personnels porteurs du virus et de pouvoir acheminer le personnel débarquant malgré les restrictions d’accès imposées par certains pays et l’annulation de nombreuses liaisons aériennes.

  • Pour les marins débarquant d’un navire soumis à obligation de déclaration maritime de santé à son arrivée dans un port français, la situation sanitaire est appréciée par l’Agence régionale de santé au vu de la déclaration et de sa durée de navigation
  • Pour les marins embarquant, l’armateur évalue la situation sanitaire selon la procédure définie pour les navires français ou des résultats de tests.

Pour rappel, afin d’éviter le développement de clusters sur les navires et de circonscrire le risque de contamination, le Gouvernement français a édicté des mesures de prévention vis-à-vis de la pandémie qui doivent rappelées aux équipages embarqués ou participant aux relèves avec notamment :

  • Renforcement de la quatorzaine pour tout marin avant un embarquement, en situation isolée et pour plusieurs semaines. La période d’isolement doit être d’une durée d’au moins 7 jours, préférentiellement de 10 jours
  • Un test de dépistage par méthode RT-PCR est pratiqué en début de confinement pour éliminer les porteurs sains du virus. Ce même test doit être fait en fin de période d’isolement, 48 à 72 heures avant l’embarquement. Le trajet du domicile au navire nécessite d’être sécurisé.
  • Les marins doivent être embarqués uniquement après la communication des résultats des tests et la confirmation de leur négativité
  • Lorsque la période d’isolement a été inférieure à 14 jours, des mesures de distanciation sociale doivent être suivies à bord pendant une durée permettant d’arriver aux 14 jours : port du masque lors d’activités de groupe, prise des repas à l’écart des personnes déjà embarquées, absence d’activité sociale
  • Éviction des marins ayant présenté un test positif à la Covid-19 pendant une durée de deux à trois semaines
  • Pour les marins français ayant présenté un test positif, une visite de reprise auprès d’un médecin des gens de mer est recommandée avant la reprise à la navigation, et ce même si l’arrêt de travail est inférieur à 30 jours

Lorsque le déplacement des marins depuis le point de débarquement jusqu’au domicile du marin nécessite un transit par voie terrestre ou aérienne par d’autres Etats de l’Union Européenne, l’armateur doit apporter la preuve que ce transit est autorisé par les Etats concernés.

Ports de relèves des équipages

Les ports suivants sont ouverts aux relèves internationales d’équipage :

  • Grand port maritime de Dunkerque
  • Grand port maritime du Havre
  • Grand port maritime de Rouen
  • Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire
  • Grand port maritime de La Rochelle
  • Grand port maritime de Bordeaux
  • Grand port maritime de Marseille
  • Grand port maritime de Martinique
  • Grand port maritime de La Réunion
  • Grand port maritime de Guadeloupe
  • Grand port maritime de Guyane

Les autres ports sont également ouverts, sauf avis contraires des autorités préfectorales.

Organisation des déplacements

Pour les transports internationaux ou entre la métropole et l’outremer, le transport est assuré par l’armateur, à ses frais. Selon le cas :

  • Depuis le domicile du marin jusqu’au point d’embarquement
  • Depuis le domicile du marin jusqu’à l’hôtel de transit puis de cet hôtel au point d’embarquement
  • Depuis le point de débarquement jusqu’au domicile du marin
  • Depuis le point de débarquement jusqu’à l’hôtel de transit puis de cet hôtel jusqu’au domicile du marin

Le Guichet unique du registre international français est le point de contact pour le suivi des relèves en période de crise. Il s’appuie en tant que de besoin sur l’expertise du Service de santé des gens de mer.

Les États membres pourraient imposer aux personnes entrant sur leur territoire de soumettre des formulaires de localisation, dans le respect des exigences en matière de protection des données. Il conviendrait d’élaborer un formulaire européen commun de localisation susceptible d’être utilisé par les États membres.

Dans la mesure du possible, une option numérique pour les informations devrait être utilisée afin de simplifier leur traitement, tout en garantissant l’égalité d’accès à tous les citoyens.

Il est temps d’agir pour le bien des gens de mer. La sécurité de l’exploitation des navires et le bien-être des équipages ne doivent pas être compromis. La crise humanitaire à laquelle les gens de mer sont confrontés a des implications pour chacun d’entre nous, pour l’économie mondiale, pour la sauvegarde de la vie humaine et mer et pour l’environnement

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