Ecocide – vers un délit général de pollution et de mise en danger délibérée de l’environnement

Face aux catastrophes écologiques à venir et à l’accélération du réchauffement climatique, les citoyens du monde entier ne cessent de se mobiliser pour réclamer aux gouvernements plus d’actions et d’engagements. Les rapports alarmants s’accumulent, soulignant les uns après les autres les effets du changement climatique, l’extinction accélérée des espèces, la fonte de la cryosphère ou encore la montée des eaux. Afin de se conformer au droit de l’Union Européenne, le Gouvernement entend porter en lieu et place de la criminalisation de l’écocide, une proposition de loi pour la création du délit général de pollution et de mise en danger délibérée de l’environnement

« Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre »
Ouverture du Discours du Président J. Chirac au IVe Sommet de la Terre
2 septembre 2002 – Johannesburg

La dégradation des écosystèmes démultiplie les risques pesant sur les populations, menace la sécurité humaine et alimentaire, dégrade les ressources naturelles, détruit des économies locales ou encore détériore le bien‑être et la santé humaine.

Force est cependant de constater que l’environnement est menacé par une criminalité environnementale en pleine croissance et encore trop largement impunie par l’arsenal juridique français.

Principe de précaution

La prise en compte du dommage écologique est l’une des questions les plus délicates du droit de l’environnement. Il ne s’agit pas ici des atteintes à l’intégrité physique des personnes, ou à leurs biens, dont l’environnement est le vecteur, ces dommages pouvant être réparé dans les conditions du droit commun, mais du seul préjudice écologique, c’est à dire, de l’altération du milieu naturel.

Aux termes des articles 4 et 5 de la Charte sur l’environnement, introduite par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 :

Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.

Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage

La Charte de l’environnement crée un droit subjectif et une liberté fondamentale par la création d’un « droit à l’environnement » et non pas seulement un droit à la santé par le truchement de l’environnement.

En ce sens, la Charte introduit le principe de précaution selon lequel lorsqu’un dommage est susceptible d’affecter l’environnement, les autorités publiques doivent mettre en œuvre des procédures d’évaluation des risques et adopter des mesures provisoires pour éviter la réalisation de ce dommage.

Principe pollueur-payeur

L’inspiration initiale du principe pollueur-payeur était clairement économique lorsqu’il apparaît en 1972 dans les recommandations du Conseil de l’OCDE :

Le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux mesures arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un état acceptable.

En d’autres termes, le principe pollueur-payeur ne fait pas référence au dommage, mais seulement à un état acceptable de l’environnement déterminé par les pouvoirs publics. Le coût des mesures devrait être répercuté dans le coût des biens et services qui sont à l’origine de la pollution du fait de leur production et/ou de leur consommation et, d’une façon générale, de telles mesures ne devraient pas être accompagnées de subventions susceptibles d’engendrer des distorsions importantes dans le commerce et les investissements internationaux.

Puis, par l’impulsion du droit communautaire et notamment de la directive du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, d’une fonction économique et préventive d’internalisation des coûts et d’harmonisation du marché, ce principe a évolué vers une fonction juridique et curative d’imputation des dommages.

L’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d’un tel dommage est tenu pour financièrement responsable, afin d’inciter les exploitants à adopter des mesures et à développer des pratiques propres à minimiser les risques de dommages environnementaux

En droit français, l’article L 110-1 du code de l’environnement dispose :

Le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable

Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur

Dans l’affaire du naufrage de l’Erika, pétrolier battant pavillon maltais, la grande chambre de la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt du 24 juin 2008 puis la Cour de cassation dans un arrêt du 17 décembre 2008 ont impulsé une nouvelle dimension juridique au principe pollueur-payeur jusque-là simplement envisagée de manière non contraignante par une recommandation du Conseil du 3 mars 1975 relative à l’imputation des coûts et à l’intervention des pouvoirs publics en matière d’environnement, en énonçant que :

Si le coût lié à l’élimination de ces déchets n’est pas pris intégralement en charge par un fond d’indemnisation, par le propriétaire ou l’affréteur du navire, le droit des États membres doit permettre qu’il soit supporté par le producteur du produit générateur des déchets si, conformément au principe du pollueur-payeur, il a, lui aussi, contribué, par son activité, au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage du navire.

En conséquence, si le juge national estime que des négligences ont été commises par le producteur de déchets, il pèse sur le producteur de déchets une obligation de diligence dont le non respect engage sa responsabilité et donc l’obligation de réparation du préjudice.

Pour autant et malgré ces avancée juridiques, les poursuites aux infractions environnementales ou le mépris volontaire des règles de prudence restent rares et leurs sanctions dérisoires en comparaison des avantages économiques qui en sont retirés.

S’il est vrai que la criminalité environnementale est un enjeu international, il n’en demeure pas moins que la France n’est pas épargnée

Alors qu’une première proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide portée en 2019 n’a pas été suivie d’effet, le champ législatif a pourtant un rôle crucial à jouer et le législateur doit être force de proposition en votant des lois ambitieuses aux philosophies nouvelles pour accompagner la société civile dans ce combat, à savoir la sauvegarde et la sécurité de la planète.

Délit général de pollution et de mise en danger délibérée de l’environnement

Cette proposition fait écho à la Convention citoyenne sur le climat qui a permis de lister des propositions par voie de référendum pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Parmi les mesures, la Convention a souhaité que soit légiféré la notion d’écocide définie comme :

Toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées.

Afin que la sanction possible soit dissuasive, la peine encourue doit être, dans le cas d’une violation par une entreprise, outre une peine d’emprisonnement et une amende pour les dirigeants d’entreprise ou les personnes directement responsables, une amende en pourcentage significatif du chiffre d’affaires de cette entreprise et doit inclure l’obligation de réparation

Il convient de rappeler que la Directive communautaire du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal oblige les Etats membres fait obligation aux États membres de prévoir dans leur législation nationale des sanctions pénales pour les violations graves des dispositions du droit communautaire relatif à la protection de l’environnement.

En ce sens, cette proposition de délit d’écocide et de mise en danger délibérée de l’environnement devrait permettre à la France de se conformer au droit de l’Union Européenne.

Dans l’attente de la proposition de loi présentée au Parlement, le Gouvernement a présenté la création :

  • Du délit général de pollution : les peines encourues iraient de trois à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle avec des amendes de 375 000 euros à 4,5 millions d’euros
  • Du délit de mise en danger délibérée de l’environnement qui vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation, c’est à dire applicable même en l’absence de pollution, avec une peine encourue d’un an de prison et de 100 000 euros d’amende.

A côté des responsables politiques, il revient à chaque citoyen, d’entendre ce cri d’urgence, de refuser l’attentisme qui sera préjudiciable à l’ensemble des générations futures et de se montrer à la hauteur de ces enjeux cruciaux des décennies à venir.

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