L’encadrement juridique du sauvetage en mer

Les interventions des sauveteurs en mer dépendent d’une législation qui diffère de celle applicable aux secours terrestres, du fait de la difficulté de limiter (de matérialiser) les espaces d’intervention en mer.

Lors d’une sortie en mer ou en océan, que ce soit à la nage ou avec une embarcation (bateau à voile ou à moteur, surf, pirogue etc.) il est probable de se retrouver dans une situation d’urgence ou de détresse et en conséquence nécessaire de faire appel aux secours.

On parle communément de situation de détresse si une vie est en danger, il s’agit d’une priorité absolue par opposition à la procédure d’urgence dont la priorité est d’une importance moindre.

La situation de détresse correspond par exemple à un homme à la mer, un incendie ou une explosion, une voie d’eau, un abordage, un navire à la dérive, un échouement, un chavirement, un problème médical grave etc.

A l’inverse, la situation d’urgence s’applique dans les cas de démâtage, une panne de carburant, de moteur ou d’hélice ou encore un problème médical jugé pas grave (malaise, blessure légère) etc.

Historique

Si historiquement, les populations primitives considéraient le naufrage comme un châtiment divin, les premières civilisations côtières évoluèrent progressivement et en Grèce Antique, la loi rhodienne qui s’appliquait pour les usages en mer, accordait une récompense en fonction des dangers encourus par les sauveteurs.

En France, c’est à partir du XVIIème siècle, que le sauvetage en mer prend une dimension légale plus ferme, notamment sous l’influence du colbertisme avec l’article 11 de l’Ordonnance royale qui énonçait : 

Enjoignons à nos sujets de faire tout devoir pour secourir les personnes qu’ils verront dans le danger de naufrage

Etant précisé, qu’en France, avant cette ordonnance datant de 1681, les rares documents législatifs qui régulaient l’activité maritime étaient :

  • Le capitulaire de Charlemagne, « littorum custodiâ » en 780
  • Les « jugements d’Oléron », donnés par la reine Éléonore en 1152
  • Le « consulat de la mer », approuvé en 1250 par Louis IX

Ce n’est qu’au XIXème siècle, avec la multiplication des échanges marchands à travers les océans, que la législation est devenue plus claire et surtout applicable internationalement. En effet, en fonction de la zone d’intervention (eaux internationales, eaux côtières ou eaux intérieures), le droit en vigueur diffère dans son interprétation.

Le droit applicable au sauvetage en mer est une particularité du droit maritime international compte tenu de sa dimension universelle.

Dimension juridique internationale

Il existe plusieurs conventions internationales qui régissent le sauvetage en mer et qui rappellent l’obligation de porter secours.

La première est la convention internationale de Bruxelles du du 23 septembre 1910 qui a unifié certaines règles relatives à l’assistance aux personnes comme en son article 11 qui prévoit :

Prêter assistance à toute personne, même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre

L’obligation de prêter assistance est une obligation essentielle du droit maritime.

Cette obligation consistait autrefois en un ensemble de règles coutumières intitulé la lex maritima

Cette obligation a ensuite été retranscrite dans l’article 12 de la Convention de Genève sur la haute mer du 29 avril 1958, puis reprise à l’article 98 de la Convention des Nations unies sur le Droit de la mer du 10 décembre 1982 plus communément appelée Convention de Montego Bay et qui s’inscrit dans la continuité de ce que prévoyait la Convention de Bruxelles de 1910

En ce sens l’article 98 prévoit pour un capitaine de navire, l’obligation de prêter assistance à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer pour autant que cela lui est possible

La Convention de Montego Baprévoit aussi que les Etats côtiers doivent participer au sauvetage par la création d’un service spécialisé et également collaborer en la matière avec les Etats voisins.

Cette disposition est corroborée par la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer dite convention SOLAS (safety of life at sea) qui précise à la règle 7 du chapitre V que les Etats ont l’obligation de prendre des mesures dans leurs zones de responsabilité prévoyant ainsi un service de sauvetage disposant de moyens de communication, de détection, ainsi que de matériel de sauvetage.

Il restait alors à définir ces moyens et les uniformiser à l’échelle internationale.

C’est ainsi que la convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime (Convention SAR) consacrée spécifiquement aux opérations de secours en mer, fut adoptée à Hambourg en 1979.

Cette Convention dispose que les Etats doivent fournir une assistance à toute personne en mer, et oblige les États à assurer les premiers soins médicaux aux naufragés ainsi que les mettre dans un lieu sûr, en précisant que ni la nationalité, ni les circonstances dans lesquelles cette personne a été trouvée en mer, ne doivent être pris en compte au moment du sauvetage.

Sur le plan pratique, la convention SAR a permis de :

  • Mettre en place un cadre international d’organisation des opérations de recherche et de sauvetage des personnes en détresse
  • Créer des MRCC (Maritime Rescue Coordination Center) connectés au système mondial de détresse et de sécurité en mer.

En France les MRCC sont représentés par les Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) avec une compétence sur la zone économique exclusive, soit sur plus de 11 millions de km2

La Convention SAR organise également les zones de sauvetage, point de départ de la mise en jeu de la responsabilité des États, en exigeant que les opérations de recherche et de sauvetage soient menées par le pays dont dépendent les eaux territoriales où l’embarcation en détresse est repérée, ou qui assure la responsabilité de la région de recherche et de sauvegarde dans laquelle l’assistance doit être prêtée.

En France, le principe de sauvetage (gratuit) aux personnes donne toute sa raison d’être à l’obligation d’assistance en mer. La France étant un pays côtier qui bénéficie géographiquement d’une zone maritime et dispose donc des services de sauvetage en mer.

Il est nécessaire toutefois de distinguer parmi les sauveteurs en mer :

  • Les sauveteurs embarqués qui interviennent à l’aide de navires
  • Les nageurs-sauveteurs qui travaillent davantage en plage et sont amenés à intervenir directement dans l’eau tout en pouvant être occasionnellement équipés d’embarcations pneumatiques.

Etant précisé que les interventions des sauveteurs en mer (nageurs-sauveteurs ou sauveteurs embarqués) sont au carrefour du droit maritime, du droit pénal et civil.

Les marins-sauveteurs (ou sauveteurs embarqués)

C’est le 30 novembre 1825 que la Société Humaine des naufragés de Boulogne fut officiellement instituée et se fixa comme première mission la surveillance des plages pendant la saison des bains de mer (termes employés à cette époque) et pour cela acheta des canots spéciaux munis de grappins et de bouées.

Les sauveteurs avaient pour mission la surveillance des plages mais aussi la police des bains de mer puisque les zones de baignade étaient à l’époque séparées en zones pour les hommes, pour les femmes et enfants. Les surveillants devaient rédiger des procès-verbaux en cas de violation de ces zones.

La Société Humaine des naufragés de Boulogne devint l’établissement modèle pour de nombreuses sociétés analogues fondées successivement en 1832 et 1833 à Dunkerque, Calais, Rouen, Bayonne, Montreuil sur mer etc. puis la Société prit le nom de Société Humaine et des Naufrages et devint reconnue d’utilité publique en 1846.

L’Amiral Rigault de Genouilly (1807-1873) cherchant à unifier les sociétés de sauvetage existantes, créa à Paris, en 1865 la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés alors que parallèlement, la Société des Hospitaliers Sauveteurs Bretons créée en 1873 par l’ingénieur Henri Nadault de Buffon (1831 – 1890) s’est lancée à partir de 1889 dans les opérations de sauvetage.

Cependant, pour continuer à être efficace, il fallait renouveler les canots et les équiper de matériels plus performants. Il devenait alors urgent de réunir ces deux Sociétés de Sauvetage existantes. En 1967, celles-ci fusionnent pour créer la Société nationale de sauvetage en mer.

Le terme Société Humaine laisse place à celui d’Association 1901, qui comme son homologue au Royaume uni, la RNLI (royal national lifeboat institution) est reconnue d’utilité publique. Parmi ses activités opérationnelles, on retrouve la distinction entre le sauvetage au large effectué par les sauveteurs embarqués bénévoles et les secours apportés par des nageurs sauveteurs sur plage.

Les nageurs-sauveteurs

Contrairement à une légende tenace, l’Australie n’est pas le premier pays à avoir lancé le sauvetage côtier sportif, également appelé Surf Life Saving, mais c’est en France que la pratique fut lancée pour la première fois par Raymond Pitet, un normand qui mis en place l’Association Nationale des Sociétés de Natation et de Sauvetage en 1899 afin de donner une base légale plus large à son activité.

Ce n’est qu’un peu plus tard, qu’une association australienne sera établie et verra le jour le 18 octobre 1907 : la New South Wales Surf Bathing Association, qui deviendra en 1991, la Surf Life Saving Australia, la fédération Australienne actuellement en place.

Précision importante, en matière de formation au sauvetage en mer, la doctrine française a été élaborée en prenant en compte les retours d’expérience. Cette doctrine permet également aux sapeurs-pompiers de conduire des interventions dans un cadre adapté aux conditions géographiques de leur zone d’action. Puisque les sapeurs-pompiers disposent en France, d’un service de secours aquatiques et d’un guide national de référence

Organisme agréé sécurité civile, les Sauveteurs en Mer sont formés aux premiers secours, entraînés et équipés et en ce sens peuvent être réquisitionnés pour soutenir les équipes médicales

Responsabilité juridique du sauveteur

La responsabilité d’un sauveteur en France peut être engagée et un même fait peut relever à la fois d’une juridiction civile et d’une juridiction pénale.

Par définition, toute personne qui cause un préjudice à autrui est, en principe, tenue d’indemniser la victime. Toutefois, la victime ne pourra obtenir une indemnité qu’à la triple condition :

  • D’apporter la preuve du préjudice subi
  • D’apporter la preuve de la faute du sauveteur
  • De prouver la relation (de cause à effet) entre cette faute et son préjudice.

Le dommage doit cependant être certain, direct et personnel et également porter atteinte à la santé (préjudice corporel) ou éventuellement un bateau (préjudice matériel).

Quant à la faute, elle doit consister pour l’auteur du dommage, à avoir fait ce qui est interdit ou bien à n’avoir pas fait son devoir :

Un accident a lieu sur des rochers parce que le sauveteur n’a pas fait preuve de prévention et n’a pas répondu à son devoir de conseil.
Le sauveteur blesse un baigneur lors d’un départ de plage pour une intervention.

La faute peut toutefois résulter d’un cas de force majeure ou d’une négligence de la victime, ce qui exonère le sauveteur de toute responsabilité. C’est le cas pour une baignade en dehors des zones de surveillance ou lorsque la flamme rouge est hissée

Il convient enfin de préciser que lorsque la loi pénale le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

Avec l’aimable contribution de Simon COYAC, sauveteur en mer

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