Garantie légale des vices cachés

Lors de l’achat d’un navire et de ses équipement, le vendeur professionnel doit garantir contre les vices cachés. Cette garantie trouve application lorsque le vice réside dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement du navire ou de ses équipements, dans l’impossibilité de s’en servir dans des conditions satisfaisantes ou encore dans les conséquences nuisibles produites à l’occasion de son utilisation normale, ceci de de telle sorte que l’acheteur n’aurait pas acquis le bien, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu.

Pour être invoqué, cette garantie, protectrice du consommateur non professionnel, répond à certaines conditions, légalement encadrées et précisées par la jurisprudence.

Caractérisation du vice caché

Un vice caché est un défaut qui rend le bien acheté impropre à l’usage auquel on le destine. Selon l’article 1641 du Code civil :

Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

En tant que garantie légale et obligatoire, son application doit avoir lieu sans frais pour l’acheteur, ceci contrairement à la garantie commerciale qui est facultative et fait l’objet d’un contrat écrit précisant le contenu de la garantie, son prix ou sa gratuité de la garantie, les modalités de sa mise en œuvre ainsi que sa durée.

Le vendeur ne peut demander au consommateur de payer des frais pour la réparation ou le remplacement du bien défectueux, y compris les frais de renvoi du bien ou tout autre frais concernant la réparation (pièces de rechange, main d’œuvre…).

Conditions de la garantie

Pour être reconnu comme vice caché, le navire ou ses équipements doit répondre à un des points suivants :

  • Etre caché, c’est-à-dire non apparent lors de l’achat. Si une expertise ou un démontage est nécessaire pour découvrir le défaut du bien, celui-ci sera considéré comme caché
  • Rendre le bien impropre à l’usage auquel on le destine ou diminuer très fortement son usage- exister au moment de l’achat.

Conditions de mise en oeuvre de la garantie légale de vices cachés

La garantie des vices cachés s’applique :

  • Que le navire et ses équipements soit acheté neuf ou d’occasion
  • Que le vendeur soit professionnel ou simple particulier, ceci quand bien même il ne connaissait pas les vices au moment de la vente.

En revanche, la garantie des vices cachés ne s’applique pas à un navire vendu aux enchères. Concernant des navires et équipements d’occasion, l’acheteur doit s’attendre en raison même de l’usure dont il est averti, à un fonctionnement d’une qualité inférieure et de ce fait, la garantie légale ne s’appliquera qu’à des défauts d’une particulière gravité.

Délais pour l’application de la garantie légale de conformité

Le délai pour demander l’application de la garantie légale de vices cachés est de 2 ans à partir de la découverte du défaut affectant le bien. L’action en garantie légale des vices cachés doit être exercée auprès du vendeur par lettre recommandée avec avis de réception et être accompagné de justificatifs

Ce délai de 2 ans prévu pour intenter une action en garantie à raison des vices cachés d’un bien vendu est un délai de prescription qui peut donc être suspendu, en particulier lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée.

Un délai butoir

La Cour de cassation réunie en Chambre mixte à l’occasion de quatre décisions rendues en juillet 2023 (Pourvoi n° 21-15.809, n° 21-17.789, n° 21-19.936 et n° 20-10.763) a précisé que pour engager une action en garantie des vices cachés l’acheteur doit saisir la justice dans un délai butoir de 20 ans à compter de la vente du bien, qu’il s’agisse d’une vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats et quelle que soit la nature du bien.

La Cour de cassation établit ainsi un équilibre entre :

  • la protection des droits des consommateurs, qui ne doivent pas perdre leur droit d’agir lorsqu’il découvre tardivement un vice caché
  • les impératifs de la vie économique, qui imposent que l’on ne puisse rechercher indéfiniment la garantie d’un vendeur ou d’un fabricant.

Indemnisation

La garantie légale de vices cachés permet de demander au vendeur soit :

  • Une action rédhibitoire : le remplacement du navire et de ses équipements contre remboursement de la totalité du prix
  • Une action estimatoire : la conservation du bien contre remboursement en partie du prix par le vendeur

En pratique, l’expert amiable ou judiciaire devra estimer l’option la plus opportune entre l’action estimatoire et rédhibitoire. Autrement dit, estimer le coût d’une réparation pour la comparer avec le montant de la transaction qui pourrait être remboursé par le vendeur.

Dans tous les deux solutions, le vendeur est tenu de rembourser les frais occasionnés par la vente et peut, s’il avait connaissance des vices cachés, être redevable de dommages-intérêts.

En revanche, contrairement à ce qui est prévu pour la garantie légale de conformité, c’est à l’acheteur de prouver l’existence du vice caché. Il lui incombe de s’appuyer sur tout élément susceptible de constituer une preuve (devis de réparation, existence de nombreuses plaintes concernant des cas de pannes similaires, expertise, etc.)

Le vendeur ne sera pas tenu des vices apparents dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même

Juridiction compétente

Depuis un arrêt du 22 septembre 2022 qui a abrogé l’article 750-1 du code de procédure civile (issu du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019), en cas de litige persistant avec le vendeur, l’acheteur non professionnel n’est plus obligé de demander une phase de conciliation qui faisait intervenir un médiateur ou un conciliateur de justice

Pour rappel, l’article 750-1 du Code de procédure civile prévoyait :

La demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros

L’acheteur pourra saisir directement le Tribunal judiciaire (issu de la fusion des Tribunaux d’Instance et de Grande Instance) ou un Tribunal de proximité

Illustrations jurisprudentielles

De nombreux contentieux ont trait à la caractérisation d’un vice caché notamment portant sur des fissures sur la coque ou encore une puissance moteur non conforme aux prescriptions du vendeur.

La Cour d’appel d’Aix dans un arrêt du 10 octobre 2013 retient la responsabilité du fabricant du voilier sur le fondement de l’article 1386-1 du Code civil suite au démâtage du navire survenu en raison de la faiblesse structurelle du tirant de cadène considéré comme un élément structurel du navire

La Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 25 octobre 2013 refuse la garantie des vices cachés car la preuve n’est pas rapportée de l’existence, au moment de la vente, d’un défaut caché affectant la quille du navire de nature à empêcher ou réduire sa navigabilité. Il s’agissait d’une vente d’un navire de plaisance d’occasion qui a eu lieu en 2004 et 2007 l’acheteur découvre une fissure ancienne sous la coque. Or il fut établi que cette fissure avait fait l’objet d’une réparation indécelable par les experts. l’acheteur découvrit la fissures en enlevant une stratification posée sur la résine de collage, la réparation perdant alors toute son efficacité.

La Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 20 juin 2013 retient le vice caché du fait de l’usure prématurée et évolutive de la coque, élément essentiel du navire.

La Cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 2017 retient que le bateau était en bon état mécanique et en bon état d’entretien général, qu’il ne semblait pas présenter de danger immédiat et était apte à naviguer, sous réserve de l’élimination des traces d’électrolyse présentes sur une tôle de maintien du lest et sur le puits de dérive, ainsi que du strict respect de toutes les réglementations en vigueur, et qu’une surveillance était nécessaire afin de vérifier une évolution trop rapide du phénomène avant toute intervention, de toute façon nécessaire. Qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a souverainement estimé que, si l’attention de l’acquéreur avait été attirée sur l’existence d’un problème ponctuel de corrosion au moment de la conclusion de la vente, il ne s’était pas trouvé, en revanche, en mesure de percevoir le vice dans toute son importance, de sorte que ce dernier revêtait, à cette date, le caractère d’un vice caché.

La Cour d’appel de Rouen dans un arrêt du 16 octobre 2013 énonce que le préjudice de jouissance éprouvé par le plaisancier doit être apprécié en fonction de ce plaisir de naviguer dans un certain confort et avec un navire exempt de vices et ne saurait être constitué de la valeur locative du navire ou d’un navire identique.

Pour conclure, de jurisprudence constante, l’osmose est généralement considérée par les tribunaux, comme un vieillissement normal de la coque et de ce fait, ne saurait être retenue comme un vice caché.

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