L’abordage des pirates et corsaires aux XVIIème et XVIIIème siècles



Loin des clichés véhiculés par les romans d’aventures et les films, l’abordage iconique des pirates et corsaires peut être impressionnant ou d’une désarmante simplicité. L’abordage, principale manœuvre permettait à ces redoutables marins, de prendre possession d’un autre navire afin de pouvoir s’emparer des richesses à bord et parfois du navire lui-même.

Si la piraterie en mer ne se limite pas uniquement à l’histoire de personnages européens, elle ne démarre pas non plus à partir du XVIIème siècle et elle perdure encore de nos jours. Il ne s’agit donc pas d’exposer une histoire de la piraterie, mais de définir la manœuvre principale, l’abordage, qui permettait à ces redoutables marins, de prendre possession d’un autre navire afin de pouvoir s’emparer des richesses à bord et parfois du navire lui-même.

Jean-David Nau, Henry Morgan, Olivier Levasseur, Edward Teach, Moïse Vauquelin, Samuel Bellamy, Edward Low, Jack Rackham, Pierre le Picard etc.. La liste des pirates anglais, français, hollandais et espagnols connus pour avoir marqué leur époque aux XVIIème et XVIIIème siècles est bien plus longue.

Les récits des pirates et corsaires commencent à devenir plus précis à partir du XVIIème siècle, en raison d’une part d’un développement très important des échanges en mer à partir de la découverte de l’Amérique puis plus tard de l’Australie, donc d’une plus grande connaissance générale du monde maritime, et d’autre part avec la diffusion des écrits (livres de bord, récits des marins, carnets personnels des navigateurs etc.) grâce à l’invention de l’imprimerie à la fin du XVème siècle.

Les pirates, flibustiers ou boucaniers étaient avant tout des vagabonds des mers, des aventuriers qui écumaient les côtes et dépossédaient les riches navires, en particulier espagnols, afin de pouvoir s’enrichir. Des bandits sur mer qui pratiquaient le pillage pour (sur)vivre ou faire fortune.

Si les pirates pouvaient attaquer des îles, des forteresses ou des citadelles, leur audace et leur habileté sur l’eau les poussaient à s’attaquer directement aux autres navires rencontrés en mer, notamment en utilisant une manœuvre habile : l’abordage.

C’est par définition une collision entre deux bâtiments en mer mais c’est aussi un assaut donné bord à bord d’un navire à un autre. En droit maritime, l’abordage s’étend à la collision entre deux ou plusieurs bâtiments et en pratique, il existe une distinction entre :

  • L’abordage en belle qui consiste à placer un navire bord à bord avec l’adversaire
  • L’abordage de franc étable qui consiste à présenter son étrave à l’adversaire.

Naturellement, il n’y avait aucun moyen électronique sur les bateaux donc pas de maretique, pas de radars, pas de radio, pas de guidage par satellite. Un abordage relevait alors d’une tactique complexe durant laquelle plusieurs paramètres devaient être anticipés puis gérés simultanément :

  • Empêcher le bateau de chavirer
  • Garder la voilure
  • Epargner au maximum son propre équipage
  • Prévoir une sortie de repli en cas de défaite
  • Permettre une approche en se tenant sur une position favorable malgré les flots et les vents contraires.

Pour cela, le capitaine d’une embarcation de pirates utilisait plusieurs critères permettant de déterminer la vitesse d’un navire, la visibilité, le tirant d’eau, l’état du vent, de la mer et des courants, la distance d’arrêt du navire, la proximité de risques pour la navigation etc.

A cette époque, les galions, de riches navires marchands avec un très faible armement, étaient particulièrement prisés et redoutaient d’être abordés par des corvettes, qui sont des bateaux de combats plus légers ou des frégates, de petits navires de guerre rapides et légèrement armés.

Une frégate au XVIIème siècle se caractérisait par une grande finesse, une large rapidité avec un gréement adapté pour rattraper les autres voiliers comprenant une voilure réduite et une mature plus légère.

La principale difficulté était d’approcher les autres bateaux sans éveiller la méfiance. On retrouve une méthode d’abordage singulière dans le témoignage d’Israël Hands, ancien pirate aux côtés d’Edward Teach (1680-1718), alias « Barbe-Noire » qui expliquait notamment qu’avec son équipage, ils surprenaient les navires marchands et leurs passagers en commençant le plus souvent par choisir le drapeau d’un pays, qu’ils hissaient pour se faire passer pour un navire ami. S’approchant du navire visé, ils ne changeaient le drapeau pour le calicot de Barbe Noire qu’au dernier moment, pour annoncer une inévitable et impitoyable attaque.

Le célèbre Jolly Roger est une anglicisation des mots joli rouge

Le pillage était en réalité bien souvent précédé d’une technique d’intimidation durant laquelle l’image du pavillon était déterminante. L’effet fonctionnait puisque la plupart des navires marchands se rendaient sans combattre quand ils apercevaient le drapeau de Barbe Noire.

Les symboles qui apparaissaient sur le drapeau de Barbe-Noire étaient très explicites, le sablier indiquait que le temps était compté et le diable piquant un cœur que la mort était très probable. Il fallait que le nombre, l’armement et le pavillon inspirent la terreur pour obtenir de l’équipage, toute la cargaison qui intéressait les pirates et l’abordage pouvait se dérouler sans heurts ni combats.

Si le navire refusait de se rendre après plusieurs sommations, les pirates se lançaient alors à l’abordage en ciblant en premier le gabier (le marin chargé du travail dans la mature) ainsi que le timonier (le matelot qui tient le gouvernail) afin d’empêcher de virer de bord. Puis le navire à la dérive était harponné et tiré vers le navire pirate.

À la fin, les pirates prenaient les passagers en otage dans la cale, exécutaient les plus récalcitrants ou les jetaient à l’eau et pillaient les cabines à la recherche d’or, de bijoux, d’argenterie, de nourriture et d’eau potable. Les hommes qui acceptaient de se faire pirates étaient conservés. Tous les autres étaient débarqués sur des côtes désertes ou abandonnés dans des canots. La réussite était totale si les deux navires étaient préservés (sans avaries) et encore utilisables.

L’abordage ne s’apparentait donc pas systématiquement à un combat à bord.

A cette époque, les pirates devaient également trouver des embarcations solides car ils passaient la plupart de leur temps sur leur bateau. L’âge des navires est un facteur dans un abordage qui aggrave cet événement.

À partir d’un certain temps d’utilisation, les navires comme tout engin deviennent moins fiables et plus fragiles. La dangerosité des navires diminuait aussi avec le temps, mais il arrivait que les manœuvres soient moins subtiles.

Pour Surcouf, redoutable corsaire français qui s’est illustré à l’âge de 22 ans dans la prise du Triton, un luxueux bateau anglais qui naviguait dans le golfe du Bengale, en manœuvrant pour approcher le bâtiment et mettant au point un stratagème qu’il utilisera durant toute sa carrière : tromper l’ennemi en déguisant la nationalité de son navire avant de hisser le drapeau français au moment de l’abordage comme une invitation au combat. Après avoir jeté les grappins sur le Triton et une heure de lutte acharnée, les français prennent le contrôle de l’embarcation ennemie.

Cette même méthode d’abordage qu’il va renouveler sur un autre bateau anglais, le Kent, un puissant vaisseau de la Compagnie britannique des Indes orientales. Le navire convoité, était mieux armé et acceptait le combat. Le bateau coupe alors la route de sa victime pour prendre son pont sous l’enfilade de ses canons et désorganiser la défense. Le beaupré du navire venait s’engager dans les haubans. Les grappins sont ensuite lancés, les coques sont rapprochées et les français montent à l’abordage puis engagent la bataille sur le pont contre 400 hommes.

Les plus combatifs se précipitaient sur le pont adverse, préparés à combattre au sabre, à l’épée, au couteau ou avec une arme à feu. Les meilleurs tireurs restaient dans les haubans avec des fusils pour tuer les ennemis les plus dangereux.

 

Avec l’aimable contribution de Simon COYAC, Sauveteur en mer

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