Immobilisation forcée d’un navire dans un port de plaisance et paiement de la redevance

Tout plaisancier bénéficiaire d’une place de port est redevable de taxes et redevances portuaires notamment affectées à l’entretien et la modernisation des infrastructures portuaires. Cependant, lors de circonstances exceptionnelles, comme un Etat d’urgence sanitaire, l’autorité portuaire peut, conformément aux prescriptions de l’Etat et de ses services déconcentrés, interdire toute sortie du port de plaisance. La question se pose alors si les plaisanciers, dont le navire est en immobilisation forcée, peuvent s’exonérer du règlement des redevances portuaires.

L’article L2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques précise que toute occupation du domaine public maritime est en principe assujettie au paiement d’une redevance. A l’occasion de circonstances exceptionnelles, l’autorité portuaire peut décider un confinement total des plaisanciers et interdire toute sortie de navires de l’enceinte du port de plaisance.

Dans ce cadre, se pose la question légitime de savoir si le plaisancier peut s’exempter du paiement des taxes portuaires quand son navire est immobilisé dans un port du fait de circonstances exceptionnelles

Postes d’amarrage : redevances, droits et obligations

Un gestionnaire de port de plaisance est soumis à des obligations de service public :

  • Assurer la continuité du service offert
  • Respecter l’égalité des usagers
  • Appliquer la réglementation française et européenne
  • Mettre les moyens répondant aux exigences du cahier des charges.

De plus, le gestionnaire d’un port de plaisance perçoit des redevances en fonction des prestations offertes, à savoir :

  • Amarrage
  • Fourniture d’eau et d’électricité
  • Sanitaires
  • Récupération des déchets
  • Utilisation des outillages
  • Services supplémentaires proposés par le gestionnaire

En contre partie de ces services rendus, l’utilisation du Domaine Public, qu’il soit Maritime ou Portuaire, est toujours soumis à une autorisation d’occupation entraînant le paiement d’une redevance.

Un contrat d’amarrage, qu’il soit écrit (contrat saisonnier, annuel, d’amodiation ou de garantie d’usage) ou oral comme dans le cadre d’une courte escale, sera donc toujours soumis à redevance. À défaut de quoi cela constituera une occupation illicite sans droit ni titre passible de poursuites.

Une redevance est versée en échange d’une mise à disposition d’un emplacement sécurisé et des services, peu importe que l’usage du poste soit de longue ou de courte durée.

Le tarif est propre à chaque port et, par principe, la redevance ne comprend pas la garantie pour le plaisancier de pouvoir sortir en mer.

Interdiction générale de déplacement au titre de l’état d’urgence sanitaire

Par la loi du 23 mars 2020, le Parlement français a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois et habilité le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin d’adapter le dispositif.

Par cette décision, l’Etat a acté une interdiction générale de déplacement pour lutter contre la propagation de l’épidémie. Le décret du 23 mars 2020 est venu préciser que tout déplacement de personne hors de son domicile est interdit à l’exception de certains déplacements limitativement énuméré.

Les activités de plaisance et de loisirs nautiques n’étant pas un motif de déplacement autorisé, elles sont donc interdites.

Les propriétaires de navires de plaisance ne sont donc pas autorisés à se déplacer en dehors de leur domicile pour se rendre dans un port et sortir en mer.

Interdiction de navigation au titre de l’action de l’État en mer

Le principe de confinement doit conjuguer ave le principe de continuité de l’activité économique, de continuité territoriale et de service public, principes que les ports de plaisance doivent appliquer.

Les Préfectures Maritimes doivent ainsi organiser la navigation et spécifier lorsque cela est nécessaire les conditions autorisant ou interdisant la navigation.

Les Préfectures Maritimes d’Atlantique et de Manche-Mer du Nord n’ont pas édité d’arrêté réglementant la navigation de plaisance et des activités nautiques considérant peut-être que les mesures prises par le gouvernement étaient suffisamment claires pour les plaisanciers, qui ne sont pas, rappelons-le, des professionnels.

En revanche, la Préfecture Maritime de Méditerranée a expressément interdit les activités nautiques de tourisme et de plaisance en visant seulement, parmi la liste d’autorisation dérogatoire :

  • Les navires de croisière et navires à passagers non réguliers dont l’escale est acceptée par l’autorité investie du pouvoir de police portuaire
  • Les navires en réparation dans un chantier naval dans le cadre d’un convoyage ou d’essais en mer (sous réserve de l’accord express du sémaphore de la marine nationale le plus proche du chantier

La Préfecture Maritime est la seule autorité compétente pour interdire la navigation et quand bien même les Autorités Portuaires auraient été à l’origine de ces interdictions, les plaisanciers ne sont pas légitimes à refuser de verser une redevance en raison du fait que celle-ci ne prévoit dans son coût l’assurance de pouvoir sortir en mer.

Ainsi, au même titre que le maintien des loyers d’habitation, des parkings, ou d’autres cotisations et échéances, lors d’une mesure de confinement total, les plaisanciers restent redevables du paiement de la redevance portuaire

Cas exceptionnels d’exonération de paiement de la redevance portuaire

La loi du 23 mars 2020 prévoit dans son titre II les mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie. Ces mesures prévoient que des dérogations financières et fiscales sont applicables pour les entreprises touchées par l’arrêt ou l’aménagement d’activité qui leur est imposé.

Ces dispositions ont pour but d’adapter certaines règles de report ou d’étalement de certains paiements. Elles concernent notamment ceux des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux.

Les places des ports de plaisances pour des navires de plaisance ne sont donc pas concernées par ces dérogations, au même titre qu’un loyer d’habitation par exemple ou d’un boxe de parking.

Par ailleurs, force est de constater qu’une interdiction de sortie en mer ne rend pas un contrat d’amarrage nul, caduque, forclos, opposable ou déchu ou prescrit. Par conséquent, le paiement des redevances des postes d’amarrage est toujours valable. Ainsi, ni la loi, ni un règlement de police portuaire, ni un contrat d’amarrage entre un plaisancier et un gestionnaire de port de plaisance, ne prévoit qu’une redevance puisse être suspendue en cas d’empêchement ou d’interdiction de prendre la mer.

En conclusion même un navire de passage dans un port de plaisance qui avait prévu de le quitter mais qui s’en retrouve empêché, ceci quelle que soit la raison (technique, météorologique ou légale) reste redevable d’une redevance envers le port pour le temps durant lequel il s’y trouve.

Le non-paiement d’une redevance domaniale pourra en outre entrainer un retrait de l’autorisation d’occupation du domaine public et le gestionnaire du port pourra également demander la saisie du navire en cas de non-paiement des droits de port. Conformément à l‘article 285 du Code des douanes, les litiges relatifs au recouvrement des droits de port et des redevances ressortent de la compétence du Tribunal Judiciaire quel que soit le niveau financier de la contestation.

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