Vers une Garde-Côtes française ?

La diversité des organismes de sauvetage en mer en France à laquelle s’ajoute la difficulté liée à la délimitation du milieu maritime, entrainent parfois un chevauchement des domaines de compétence. Le chevauchement des compétences des sauveteurs en mer peut se produire lorsque plusieurs organisations ou groupes interviennent dans des opérations de sauvetage en mer, ce qui peut parfois entraîner des conflits ou des confusions dans la coordination des efforts. Dans certains départements, il peut y avoir plusieurs organisations de sauvetage en mer, telles que les marins douaniers, la marine, les services de pompiers marins, les organisations non gouvernementales et les sauveteurs bénévoles. Le chevauchement des compétences peut survenir lorsque plusieurs de ces groupes répondent à la même situation d’urgence. Lorsque plusieurs équipes de sauvetage interviennent, il est crucial de bien coordonner leurs efforts pour garantir une réponse efficace. Les procédures de communication et de coopération doivent être bien établies pour gérer ce chevauchement potentiel. Les opérations de sauvetage en mer peuvent nécessiter des ressources limitées, telles que des bateaux, des hélicoptères et des équipes de secours.

Si plusieurs groupes demandent les mêmes ressources pour différentes missions, la meilleure façon de gérer est alors de mettre en place des mécanismes solides de coordination et de collaboration entre les différentes organisations et groupes de sauvetage en mer. Cela peut inclure des protocoles de communication, des accords de partage des ressources et une planification préalable pour déterminer qui prend en charge quelle zone ou quel type d’incident.

L’harmonisation des techniques : vers une coordination de différents Garde-Côtes

Historiquement, des tentatives d’harmonisation, à l’échelle internationale, de méthodes de récupération des victimes furent plusieurs fois prises. Depuis 1924, la tradition s’était établie de réunir tous les quatre ans, une conférence internationale à laquelle participaient toutes les sociétés (remplacées par les associations) et tous les services de sauvetage maritime du monde. A ces conférences étaient confrontées les méthodes de sauvetage, la qualité du matériel, les résultats obtenus « le tout pour le plus grand bien des marins exposés au péril de la mer. Laissant de côté tout orgueil national, toute susceptibilité, chacun mettait au service des autres, ses expériences, n’ayant en vue que le bien commun. » (Cf.1)

A l’échelle nationale, il n’existe pas d’harmonisation des techniques de sauvetage en mer. Les différents organismes (SNSM, Gendarmerie maritime, marins-pompiers, FFSS etc.) disposent de référentiels différents et ces référentiels résultent souvent de retour d’expériences ou de techniques astucieuses, utilisées localement ou testées parfois à l’étranger. Cette absence d’unicité dans les techniques s’explique par des particularismes locaux (par exemple, les méthodes de récupération de victimes sur une côte rocheuse diffèrent de celles utilisées sur une plage à fort courant régulier) et par des budgets variables en fonction des organismes (si les milieux associatifs dépendent des cotisations de leurs adhérents, des dons et des fonds récupérés lors de la surveillance d’un évènement festif ou sportif, à l’inverse les sauveteurs institutionnels disposent d’un budget d’Etat annuel).

L’harmonisation des techniques de sauvetage en mer vise à standardiser et à coordonner les méthodes et les procédures utilisées pour secourir les personnes en danger en milieu aquatique. Cette harmonisation est essentielle pour garantir une réponse efficace et cohérente aux situations d’urgence en mer, qu’il s’agisse de sauvetages maritimes, de secours aux naufragés ou de réponses à des catastrophes naturelles. Cela contribue à améliorer l’efficacité des opérations, à sauver des vies et à minimiser les risques pour les équipes de secours. Elle est particulièrement importante dans un contexte maritime agité où les situations d’urgence peuvent nécessiter une réponse rapide et coordonnée.

L’harmonisation peut englober plusieurs aspects :

  • Normes et directives : Établir des normes, des directives et des protocoles communs pour les opérations de sauvetage en mer, en tenant compte des meilleures pratiques et des réglementations internationales,
  • Formation : Offrir une formation standardisée aux équipes de sauvetage afin de garantir qu’elles possèdent les compétences et les connaissances nécessaires pour intervenir de manière sûre et efficace,
  • Équipement : Normaliser les types d’équipement de sauvetage utilisés, qu’il s’agisse de gilets de sauvetage, de la couleur des embarcations de secours, du matériel de communication ou d’autres outils essentiels,
  • Communication : Établir des protocoles de communication communs pour assurer une coordination fluide entre les équipes de sauvetage, les autorités maritimes et d’autres acteurs impliqués,
  • Coordination internationale : Favoriser la collaboration entre les pays et les organisations internationales pour partager les meilleures pratiques et coordonner les opérations de sauvetage en mer à grande échelle.

Cependant, si l’harmonisation des techniques n’est pas réalisable car présenterait un décalage trop important, la création d’un seul organisme, sous le contrôle des (CROSS) centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, qui aurait en charge le sauvetage en mer et d’une manière générale l’ensemble des actions de l’Etat en mer serait préférable afin d’éviter, soit une dispersion des intervenants sur un même accident, soit un chevauchement des compétences sur une même zone. Il arrive en effet que plusieurs acteurs du sauvetage en mer soient mobilisés pour une seule intervention, ce qui donne lieu par exemple à une action conjointe des pompiers, de la gendarmerie et de la SNSM et donc mobilise plusieurs sauveteurs sur un seul endroit.

Le regroupement des techniques : vers la création d’un seul organisme Garde-Côtes

Autre exemple, il existe des postes mixtes de surveillance de baignade dans lesquels des policiers (CRS) partagent leurs tâches avec des sauveteurs saisonniers recrutés périodiquement mais ces derniers ne disposent pas de pouvoir de police sur la plage.

Pour répondre à ces problèmes, l’idée d’une création d’un seul organisme qui regrouperait aussi bien la surveillance des plages ainsi que toutes les interventions en mer : lutte contre les trafics, sécurité des côtes etc. (en dehors de celles réservées au domaine militaire de la marine nationale) et qui porterait le nom de Garde-Côtes serait envisageable. Les termes de « Garde-Côtes » sont attribués en France aux douaniers et plus précisément à la Garde-côtes des douanes françaises puisque la dimension douanière de l’action de l’Etat en mer comprend aussi le sauvetage.

L’action douanière a en effet, plusieurs fonctions dont la sauvegarde des personnes et des biens en mer (Cf.2). Historiquement, les douaniers furent d’ailleurs les premiers surveillants de baignade serpentant le long du littoral, pour la surveillance des côtes maritimes. Ils furent mis en place dès le XVIIème siècle, puis ils furent récupérés pour les usages de la Douane afin de surveiller les trafics de contrebande (Cf.3).

Les douaniers y patrouillaient à pied ou y tendaient des embuscades pour les contrevenants, jour et nuit, et devenaient de fait des sauveteurs en poste mobile. L’action douanière a connu une considérable évolution juridique avec les décrets n°2004-112 du 6 février 2004 et n° 2005- 1514 du 6 décembre 2005 relatifs à l’organisation de l’action de l’État en mer en métropole et outremer qui marquèrent une étape essentielle de l’organisation de la politique maritime française, complétée par le Décret n°2010-834 du 22 juillet 2010 qui organise la fonction Garde-Côtes. Les Garde-côtes de la douane française obéissent donc à la convention SAR et doivent entreprendre des opérations de sauvetage, puisqu’il y a une obligation pour l’État côtier de s’assurer qu’une assistance soit fournie aux personnes en détresse en mer, selon le chapitre 2 paragraphe 2.1.1 de la Convention SAR :

« Les parties veillent à ce que les dispositions nécessaires soient prises pour que les services requis de recherche et de sauvetage soient fournis aux personnes en détresse en mer au large de leurs côtes ».

Cette obligation de sauvetage s’accompagne d’une obligation de coordination des opérations de sauvetage (Cf.2), y compris le débarquement donc tous les États ont l’obligation de coordonner leurs opérations SAR avec les États voisins ce qui implique une coopération des garde-côtes d’autres pays. Cependant, tous les pays ne possèdent pas de corps de garde-côtes, selon les pays, les Garde-côtes peuvent être un corps militaire ou civil et certaines de leurs missions peuvent également être déléguées à des agences privées.

Les missions de police et de sécurité sont alors réparties entre plusieurs administrations et organisations ou associations privées. Les Garde-Côtes douaniers sont amenés à devoir évaluer la situation de détresse d’une embarcation car la Convention SAR se limite à donner une définition aux notions ‘phase de détresse’ et ‘personne en détresse’ sans déterminer à partir de quel moment un navire ou une personne se trouve dans une situation de détresse. Il revient donc aux Etats (à ses agents) de déterminer à partir de quand commence ou s’achève cette situation. De plus, selon la Résolution MSC.167 des directives sur le traitement des personnes secourues en mer (Cf.4), l’obligation de déposer les naufragés dans un lieu sûr correspond à un emplacement où les opérations de sauvetage sont censées prendre fin et où :

  • La vie et la sécurité des personnes ne sont plus menacées,
  • Il est possible de subvenir à leurs besoins fondamentaux (abris, soins médicaux, vivres),
  • Le transport des personnes sauvées vers leur destination suivante ou finale peut s’organiser.

Ces dispositions s’imposent aux opérateurs du sauvetage en mer et plus particulièrement à la douane garde-côte qui opère régulièrement entre les eaux territoriales et les eaux internationales. L’idée d’une création d’une Garde-Côte autonome à côté des autres organismes se manifeste progressivement avec une série de mesures concrètes.

Parmi elles, celle d’avoir retiré la fonction Garde-Côtes à la Marine nationale et aux préfets maritimes, et d’avoir recréé un nouveau service civil placé sous l’autorité du Premier ministre et mise en œuvre par le secrétaire général de la Mer en 2010. En France, 8 entités participent à la fonction garde-côtes dont la Marine nationale, la Gendarmerie maritime et la Gendarmerie nationale, les Affaires maritimes, les douanes, la Sécurité Civile et la Direction Générale des Outre-Mer. La fonction Garde-Côtes matérialise les moyens dont l’État dispose pour assurer l’ensemble des missions de son action en mer.

La responsabilité du corps de Garde-Côtes

Un corps de Garde-Côtes est responsable au niveau national de l’action civile de l’État en mer. Il est chargé de missions de police maritime (lutte contre les trafics illégaux en mer, police de la navigation), de sécurité civile en mer (recherche et sauvetage et lutte contre les pollutions marines) et, dans certains pays, des aides à la navigation (balisage, service de brise-glace, etc.). D’une manière générale, il est responsable de l’application des lois de l’État dans les zones maritimes sous sa juridiction, ainsi que des règlements internationaux sur la totalité des mers et océans du globe. La référence est souvent faite au modèle américain de Garde-Côtes, l’USCG qui est un organisme fédéral américain dédié au rôle de surveillance, de protection, et de sauvetage des personnes en détresse dans les eaux territoriales américaines.

Il est le représentant de l’action de l’Etat en mer (Cf.5), l’USCG applique la loi en mer et les règlements maritimes, assure le rôle de police de la navigation et des pêches, lutte contre les trafics illicites, gère la protection de l’environnement maritime et le sauvetage en mer et dispose, entre autres, d’unités armées. L’USCG est donc un organisme militaire, placé depuis 2003, sous l’autorité du Département de la Sécurité Intérieure et en cas de conflit armé, il est susceptible de passer sous la direction de l’U.S. Navy. Les missions de l’USCG, qui sont au nombre de cinq, couvrent un vaste domaine (sauvetage maritime, sûreté maritime et protection des frontières, entretien du balisage, défense nationale et lutte contre les pollutions). La réforme de la fonction de « garde-côtes » sur le modèle des États-Unis doit faciliter un pilotage plus performant d’une organisation qui a fait ses preuves en mer.

Simon Coyac
Sauveteur en mer

Sources

1 – Extrait des « Annales du sauvetage maritime » – 1er janvier 1952 – consultées aux archives départementales de Loire-Atlantique Ces Conférences se sont réunies successivement en 1924 à Londres (pour le centenaire de la Royal National Life Boat Institution), en 1928 à Paris, en 1932 à Rotterdam, en 1938 à Göteborg. Interrompue par la seconde guerre mondiale, la tradition a été renouée en 1947 à Oslo.

2 – Site de la DIRECTION NATIONALE GARDE-COTES DES DOUANES – « Le service Garde-Côtes exerce un contrôle douanier et fiscal aux frontières maritimes de l’Union européenne » – consulté le 30 juin 2023

3 – Livre de DUSSOL Dominique – « Douane – Une longue histoire à déclarer » – Editions LE FESTIN – 2019 Après être tombés à l’abandon après la Seconde Guerre mondiale, les sentiers retrouvèrent un nouveau souffle, d’abord à la fin des années 1960, grâce à la fédération française des randonnées qui y aménagea des GR (chemins de grande randonnée). Mais, surtout, la loi du 31 décembre 1976 imposa un droit de passage pour les promeneurs (uniquement piétons) en bordure de toutes les côtes maritimes.

4 – Projet de résolution MSC.167(78) adoptée le 20 mai 2004 – COMITÉ DE LA SÉCURITÉ MARITIME

5 – Fiche documentaire – « La fonction garde-côtes » – INSTITUT FRANÇAIS DE LA MER – 18 mai 2010

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