Les premiers outils de repérage en mer

Avant l’apparition et le développement des technologies modernes, il était difficile voire hasardeux de se déplacer en mer. Il était impossible de déterminer avec précision la vitesse d’un bateau, de prévoir la force des vents, de repérer un plateau rocheux etc. Les marins devaient faire preuve d’audace et se fonder sur les rares connaissances communes (souvent dressées sur des cartes fantaisistes ou des plans imaginaires), sur les quelques outils à bord (notamment des instruments de navigation d’abord développés par les astronomes) et surtout ils devaient s’appuyer sur leur intuition et leur sens de la curiosité pour entreprendre des périples à l’issue fréquemment incertaine.

Si les instruments de navigation modernes permettent en temps réel de se géolocaliser sur une carte marine électronique, depuis la préhistoire les migrations humaines eurent besoin de se repérer sur les espaces maritimes, d’abord par l’observation de l’environnement, puis, à partir de l’Antiquité, par l’innovation technologique et l’apparition des premiers outils d’observation, encore utilisés par la plupart des plaisanciers et dont l’apprentissage s’effectue notamment lors du permis hauturier.

Lecture de la nature

Les premiers explorateurs en mer purent partir sur les voies maritimes à l’aide d’une lecture attentive de la nature qui offre plusieurs outils de repérage. Après les avoir identifiés, les marins avaient appris à les lire, estimant les vents par leur force ou par le vol des oiseaux, estimant aussi les courants par la couleur de l’eau.

L’homme a toujours navigué et sans doute depuis le paléolithique en raison des distances raccourcies par le très bas niveau de la mer depuis la dernière ère glaciaire.

Cette théorie de Brian FAGAN prétend que la plateforme continentale qui réunissait alors l’Australie et la Nouvelle-Guinée, n’aurait été atteinte par l’homme que par la mer et sans doute par des homo-sapiens qui avaient appris la navigation côtière et avaient rejoint les côtes car ils se sont fiés à leur instinct de recherche en pressentant qu’une terre se trouvait au-delà de la ligne d’horizon et sans doute en apercevant les fumées dégagées par les feux de forêt puis les vols d’oiseaux. 

Le navigateur solitaire jongle avec le hasard et la technique, le savoir et l’inconnu, l’inné et l’acquis

Florence Arthaud

La lecture et plus précisément l’analyse de la nature permet ainsi de se repérer en mer.

Par exemple, puisque le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, le capitaine d’un navire qui aperçoit le soleil à bâbord en début de journée saura alors qu’il fait approximativement route vers le sud. Le soleil n’est pas le seul astre qui peut servir d’indicateur, l’étoile Polaire permet d’estimer une position en termes de latitude (distance comptée du nord au sud) et de longitude (distance comptée d’est en ouest). La latitude pouvant être évaluée approximativement à l’œil en estimant la hauteur de l’étoile Polaire au-dessus de l’horizon.

Il est aussi possible, dans l’hémisphère nord, de se fier pendant la nuit à l’étoile Polaire car sa position est fixe et au nord, ainsi plus un bateau avance au nord et plus l’étoile Polaire apparaît haute dans le ciel, à l’inverse plus il avance vers le sud et plus elle se confond avec l’horizon jusqu’à disparaître au niveau de l’équateur. 

Cartographie maritime

La cartographie est partie intégrante de l’histoire de la marine et plus généralement de l’histoire de l’homme.

La carte du monde telle que nous la connaissons à notre époque, fut dressée au fur et à mesure par des cartographes et des astronomes mais aussi des explorateurs, des aventuriers, des marins, des navigateurs qui se lancèrent dans des expéditions risquées et utilisaient des instruments de repérage rudimentaires.

Si l’évolution de la cartographie doit beaucoup à l’invention de l’aéronef (l’invention de la montgolfière date de 1782 puis l’avion fut créé en 1890 par le français Clément Ader), auparavant les cartes étaient dressées de manière empirique et la connaissance qu’on avait des terres et des mers lointaines, devait autant à l’imagination qu’à la réalité.

Toutefois, depuis les conquêtes d’Alexandre le Grand et les voyages de Marco Polo, en Europe on savait que la Chine et l’Inde existaient mais les premières cartes restaient des outils imprécis et les premiers navigateurs s’orientaient à l’estime, une méthode d’évaluation très approximative.

C’est au grec Ptolémée, célèbre astronome et géographe d’Egypte, que l’on doit la première réelle carte connue. Il avait alors repris les concepts des astronomes babyloniens qui eux-mêmes avaient développé un savoir empirique sur la position des astres, la périodicité des éclipses, etc.

Il avait également repris différentes techniques et observations d’un phénicien : Marin de Tyr. Partant ainsi de l’idée que la terre est sphérique, il va alors unifier l’ensemble de ses connaissances dans une compilation et définir les outils de repérages fondamentaux dont les parallèles et les méridiens.

Il va également dresser une carte de ce que l’on connaissait du monde, avec plusieurs continents (dont l’Asie) et les océans. Ses travaux en astronomie seront une précieuse source de savoir pour les navigateurs puisque tous les océans (et toutes les mers sauf la mer Caspienne) sont reliés les uns aux autres et il est possible de se rendre en bateau de n’importe quel point d’un littoral à n’importe quel autre.

Bien souvent les marins dessinèrent avec plus ou moins de précisions la carte de toutes les côtes qui les bordaient, l’établissement de ces cartes nautiques était basé sur un mode de navigation par cabotage (on y inscrivait chaque lieu de mouillage, chaque port pour des courtes distances). L’approche des côtes donna d’ailleurs naissance au jalonnement par des phares afin de prévenir les marins d’un danger, comme le célèbre phare d’Alexandrie (aujourd’hui disparu) situé autrefois sur l’île de Pharos. On retrouve également des descriptions de Marseille dans des écrits d’auteurs grecs ou latins qui évoquent une presqu’île entourée par la mer qui correspond grosso modo, au quartier du Panier à Marseille.

Les premières cartes marines donnaient donc la position et la forme des masses de terre mais on ignorait la configuration des contrées qui s’étendaient par-delà les rivages.

Instruments de navigation

Parmi les principaux outils de repérage en mer, le plus fameux fut la longue vue, en réalité un télescope qui fut largement utilisé en mer après son invention par un opticien hollandais, Hans Lippershey, au tout début du XVIIème siècle.

Mais « faire le point en mer », c’est être capable de déterminer sa latitude et sa longitude, or si au XVIIe siècle, les Européens sillonnent depuis longtemps les océans, ils ne savaient pas encore établir leur longitude correctement. Problème qui sera résolu par la suite grâce au progrès de l’horlogerie. Inventé au XVIIIème siècle, le chronomètre va en effet permettre de déterminer la longitude (James Cook, lui-même emporta son propre chronomètre à bord lors de son expédition) et ce n’est pas le seul instrument qui va servir les marins.

Le souhait des navigateurs du XVIème siècle était de connaitre la route à suivre à cap constant pour se rendre d’un point du globe à l’autre. Ce système de navigation qui permet de naviguer à la boussole imposait non pas de suivre un cap de compromis entre l’orthodromie (chemin le plus court) et la loxodromie (chemin à cap constant).

Pour ce faire, une carte permettant de conserver les angles et permettant donc de tracer facilement des loxodromies était souhaitable. Ce fut chose faite avec la projection de Mercator conçue en 1569 qui s’est imposée comme le planisphère de référence dans le monde maritime.

L’homme pouvait utiliser ses propres moyens, par exemple pour estimer la vitesse de son navire : la ligne de loch, était une ligne que l’on laissait filer à l’arrière du navire et qui était marquée de distance en distance par des nœuds. La vitesse de passage des nœuds était mesurée à l’aide d’un sablier.

Plus tard, vinrent à bord la boussole, invention chinoise qui indique une trajectoire, aussi appelée compas dans la marine et qui pointe toujours vers le nord magnétique et non le nord géographique. 

Précédant le sextant de l’astronome anglais John Adley (1682-1744), le quadrant de navigation était un instrument de mesure angulaire permettant de mesurer la hauteur d’un objet visé. Sa forme, en quart de cercle dont le bord est gradué de 0° à 90°, comprenait un fil à plomb qui pendait de son sommet. Il suffisait au navigateur d’aligner le quadrant sur l’étoile qu’il choisissait et de lire le chiffre indiqué par le fil à plomb pour déterminer la hauteur de l’étoile en degrés, donc sa latitude.

Le quadrant sera progressivement remplacé par l’astrolabe nautique, un autre instrument inventé par des marins portugais avec un fonctionnement différent, composé d’un bras de rencontre qui indique la hauteur du soleil.

Références

Au-delà de l’horizon bleu – Brian Fagan – 2012
Thalassa Magazine– Laurent Vedrine – 2014
Une histoire du point en mer – André Gillet – 2000

Avec l’aimable contribution de Simon COYAC, Sauveteur en mer

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